LES budgets se resserrent et particulièrement celui de la recherche. Comment le Nord - Pas-de-Calais, parent pauvre des organismes publics de recherche, parviendra-t-il à relever le défi alors qu’une génération de chercheurs s’apprête à partir en retraite ? L’avenir est loin d’être tracé dans le domaine médical, comme en témoignent les propos tenus en clôture des rencontres-débats de l’INSERM, institut dédié à la santé et à la recherche médicale. Une cinquantaine d’équipes Le tableau dressé par Pierre Formstecher, directeur de l’institut de médecine prédictive et de recherche thérapeutique, est éloquent. Malgré tous les rattrapages, les compensations évoquées ces dernières années, la situation est loin d’être brillante. Une simple comparaison permet d’en prendre la mesure : la région (7 % de la population française) n’accueille que 2 % des chercheurs attachés à un grand institut, soit environ 350 chercheurs alors que les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Languedoc-Roussillon en ont attiré chacune 3 000. Dans la région, environ 1 500 personnes travaillent pour la recherche dont 750 chercheurs en équivalent temps plein : l’INSERM (14 équipes de recherche) et le CNRS en emploient un tiers. Il faut aussi prendre en compte les enseignants chercheurs (23 équipes universitaires qui consacrent une partie de leur temps à la recherche) plus nombreux à l’université de Lille 2, de grands organismes comme la fondation Institut Pasteur de Lille ou l’université catholique de Lille et des équipes hospitalo-universitaires (CHRU et Centre Oscar-Lambret). La plupart de ces équipes travaillent dans la métropole lilloise : 650 personnes sur le site du CHRU, 516 sur le site « Calmette » de l’Institut Pasteur et de l’institut de biologie de Lille, 225 à l’université des sciences et techniques de Lille. Seules trois équipes échappent à ce centralisme régional : elles oeuvrent à Berck et Boulogne ainsi qu’à l’université d’Artois. Mutualiser La tendance ne semble pas devoir s’inverser : le grand changement de la recherche médicale, c’est que les équipes ne peuvent plus travailler seules – elles ont besoin d’outils de plus en plus lourds et coûteux qui rendent nécessaire la constitution d’instituts fédératifs et de partenariats sur de grands thèmes comme la protéomique à l’USTL, les maladies infectieuses ou inflammatoires à l’Institut Pasteur ou la médecine prédictive autour du CHRU. La Genopole (7 en France), institut sans murs que notre région a réussi à décrocher, a su s’organiser autour de six plates-formes technologiques de haut niveau (sur 82 en France). Malgré ses handicaps, la recherche médicale a ses points forts. L’une de ses caractéristiques principales, explique Pierre Formstecher, est l’existence d’un continuum entre la recherche d’amont et la recherche clinique. Principaux axes de recherche : les maladies inflammatoires, infectieuses et parasitaires (17 équipes sur l’Institut Pasteur et l’institut de biologie), le cancer (une douzaine d’équipes, surtout au CHRU et au centre Oscar-Lambret), les neurosciences et maladies du système nerveux (une dizaine d’équipes), les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l’innovation thérapeutique (bien que l’industrie pharmaceutique n’y soit pas implantée). L’ingénierie biomédicale, la recherche en santé-travail-environnement et celle sur la bioéthique constituent nos autres grands points forts. Equipes de qualité La région peut s’enorgueillir aussi de disposer d’équipes de qualité mais selon Pierre Formstecher, il lui faudra multiplier par trois ou quatre le nombre de ses chercheurs si elle veut être en mesure de relever les défis du futur. Comment y parviendra-t-on ? Pour Monique Capron, grand prix INSERM 2003, le temps n’est plus où de grandes personnalités scientifiques créaient une « école » (avec un suivi sur vingt ou trente ans, tels Jean Montreuil, André Capron...) : le renouvellement est rapide et comme il n’y a pas de volonté délibérée d’aménagement du territoire (hormis sur l’Ile-de-France !), elle penche pour la constitution d’un pôle d’excellence régional autour de la microbiologie. Pour attirer de nouveaux chercheurs, note Philippe Amouyel, directeur de l’Institut Pasteur, il faut tout à la fois être en mesure de leur proposer des outils pour développer leurs recherches (plates-formes à haut débit externalisées, par exemple, parce que chaque équipe ne peut se permettre un tel équipement), il faut aussi stabiliser les compétences, dynamiser la croissance (à l’image des partenariats qui s’instaurent autour de la Genopole et du GIE Eurasanté). « Ce n’est en tout cas pas une question de climat : il existe d’excellents centres de recherche en Finlande, et le temps y est moins clément. Un chercheur veille surtout à l’endroit où il aura la capacité de mener à bien ses programmes. » J.-P. BONDUEL
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